Le 31 octobre prochain, les dizaines d’arômes disponibles dans les produits de vapotage seront de l’histoire ancienne. Tous, à l’exception de la saveur tabac et sans saveur, seront interdits à la vente suite à l’entrée en vigueur du nouveau règlement de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme. Visant à protéger les jeunes face au phénomène qui prend de l’ampleur depuis plusieurs années, comment cette mesure est-elle accueillie par le personnel scolaire, qui est en première ligne au quotidien? Tandis que les jeunes naviguent entre indifférence et questionnements sans vraiment se rendre compte que la mesure est réelle, le personnel scolaire, lui, est préoccupé. Et se prépare comme des « samurais ». Rencontre avec trois intervenantes!
L’interdiction des saveurs : une mesure essentielle… « mais il va falloir faire plus », selon certains membres du corps enseignant
« Le défi est de taille pour le milieu scolaire, et particulièrement pour les écoles secondaires » introduit Caroline Rossi, éducatrice spécialisée à l’école Robert Gravel sur l’île de Montréal. Depuis plusieurs années, le vapotage prend de l’ampleur chez les adolescents québécois : selon la plus récente Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves (ECTADE) en 2021-2022, l’utilisation de la vapoteuse chez les jeunes du secondaire est passé de 16% (en 2018-2019) à 19,5% en deux ans. Selon l’éducatrice spécialisée, le règlement sur l’interdiction des saveurs « est une solution qui a tardé à être mise en place. Ça ne règlera pas tout dans l’immédiat parce que le problème est assez présent et préoccupant en ce moment. On ne vit pas dans un monde de licornes. »
Mêmes inquiétudes du côté de Mathilde Séguin, professeure en arts dramatiques. « On va se retrouver avec des jeunes qui vivent des problématiques d’arrêt, on va avoir des jeunes en besoin de soutien, en détresse. »
« L’interdiction des saveurs est une mesure essentielle puisqu’elles interpellent les jeunes et c’est pas du tout les bons clients. Cependant c’est important de mentionner que les produits de vapotage sont déjà interdits aux mineurs donc comment se fait-il qu’on ait autant de jeunes qui vapotent? Saveurs ou pas saveurs, je ne sais pas trop ce qui va changer » soulève Marie Pascal, intervenante en dépendance à la maison Jean Lapointe, un peu dubitative.
« Il va falloir autre chose que simplement ce règlement car on sait que nos élèves qui vapotent et qui sont dépendants, vont également désormais fumer la cigarette. » s’inquiète Caroline Rossi. En effet, les études ont démontré que vapotage et cigarette traditionnelle sont intimement liés, puisque vapoter multiplierait par quatre le risque de devenir fumeur.
« Ça fait un moment que la concentration maximale a été fixée à 20 ml/mg et ils peuvent encore se procurer du 50 ml/mg, alors qu’adviendra-t-il des saveurs? C’est une grande question qui me préoccupe » renchérit Caroline Rossi. La nouvelle règlementation du 31 octobre précise par ailleurs de nouveau la teneur maximale en nicotine autorisée dans les produits de vapotage, à hauteur de 20 ml/mg, établie au Canada en 2021.
Le corps enseignant se prépare comme des « samurais »
Malgré les nombreuses inquiétudes, comment le corps enseignant se prépare-t-il et envisage-t-il l’entrée en vigueur du règlement? « On se prépare comme des samurais! Il va falloir faire encore, encore plus de prévention. Je crois que les projets en interne dans les milieux font encore plus de bien que le fait que les saveurs soient illégales ou non » explique Marie Pascal.
« On est prêts ici à les aider, on est déjà en train de se préparer mais ça demande un travail, d’autres écoles n’ont aucune idée de ce qui s’en vient » poursuit Mathilde Séguin. « On les écoute, on écoute leurs préoccupations, on leur donne les bonnes informations. C’est mon travail d’éducatrice spécialisée de faire le lien entre leur vécu et leur consommation. » pousse Caroline Rossi.
L’interdiction des saveurs, un impact sur l’initiation des jeunes dans les années à venir attendu
De manière globale, si elles sont inquiètes pour les jeunes qui sont aujourd’hui dépendants à la nicotine, les intervenantes sont optimistes sur l’impact à terme de cette mesure. « Même si je pense qu’interdire les saveurs ne va pas tout régler et qu’il va falloir être là pour nos jeunes qui sont dépendants, je suis optimiste et je continue à dire en revanche que pour prévenir, éventuellement, au niveau de l’initiation, l’interdiction des saveurs aura un impact » conclue l’éducatrice spécialisée.
Les jeunes ne sont pas les seuls à être dans la ligne de mire des industries du tabac et du vapotage. Pour rappel, ces dernières ont d'abord présenté la vapoteuse comme un outil de cessation tabagique pour les adultes fumeurs. Alors comment ces derniers perçoivent-ils l’entrée en vigueur du nouveau règlement? Vont-ils continuer à vapoter la saveur tabac ou sans tabac? Appréhendent-ils un potentiel retour à la cigarette traditionnelle? On est allés leur poser la question! Découvrez leur témoignage sans attendre!